Lait - "Le consommateur doit accepter de payer plus"

Interview - Le représentant des industriels de la filière défend l'augmentation du prix des produits laitiers et renvoie les distributeurs dans leurs cordes.

Pour Jehan Moreau, le consommateur français "doit comprendre qu'avoir des produits de qualité, d'origine française, qui garantissent une traçabilité et permettent de maintenir l'emploi a un prix".

Olivier LEVARD - le 28/02/2008 - 15h18

Brocardés par les associations de consommateurs et les distributeurs pour l'augmentation du prix de leurs produits, les industriels du lait contre-attaquent. Depuis quelques jours, ils encaissaient les coups sans broncher.
 
Mercredi, le directeur de la centrale d'achats alimentaire d'Auchan, prenait ainsi comme exemple le
lait, pour accuser les industriels : "De nouvelles hausses de tarifs nous sont proposées pour le 1er mars, toutes supérieures à 15%", alors que la hausse de la matière première se situe "aux alentours de 9%", s'élevait Jean-Denis Deweine. "Nous avons décidé mardi de stopper les commandes chez un des deux grands intervenants, Candia", face à cet "abus", annonçait-il.
 
Danone réagit
 
Les géants du secteur commencent à se justifier et veulent faire entendre leur vérité. Mercredi, le PDG de Danone, déclarait ainsi que "c'est en France" que les prix de son groupe alimentaire sont "les moins chers", là aussi que "la marge de Danone est la plus faible", ajoutait, remonté, Franck Riboud sur Radio France Internationale, "Il faut surtout regarder pourquoi les matières agricoles augmentent et trouver des réponses de fond à ces problèmes-là", se défendait-il dit.
 
Une ligne partagée par Jehan Moreau, le directeur délégué de l'Association de la Transformation Laitière Française (ATLA) qui représente les industriels de la filière. Il revient pour LCI.fr sur les raisons de l'augmentation des prix des produits laitiers tout en adressant des messages aux distributeurs et aux consommateurs.

Jehan Moreau, directeur délégué de l'Atla
Jehan Moreau
LCI.fr : En réaction à la polémique qui fait rage, vous diffusez un argumentaire pour expliquer les hausses de prix que vous réclamez aux distributeurs. Quel est votre message?
 
Jehan Moreau, directeur délégué de l'Atla : Il faut absolument que les hausses de prix que nous réclamons soient acceptées par les distributeurs. Elles correspondent à une hausse de nos coûts et sont essentielles pour la santé de notre filière. Aujourd'hui, Michel Edouard Leclerc fait de l'intox pour obtenir du gouvernement  la totale négociabilité des tarifs mais les hausses de prix qu'il évoque ou que l'on peut lire dans les enquêtes ne correspondent pas à la réalité. Pour prendre un exemple, le yaourt nature n'a augmenté que de 10% en magasin, ce qui est normal sachant qu'il contient 40 à 50% de
lait, qui est en forte augmentation...
 
LCI.fr : D'où provient cette hausse brutale?
 
J. M. : Les producteurs de
lait ont eu une volonté très forte d'homogénéiser le prix de leur produit au niveau européen. Les prix en Espagne étaient jusqu'à 50% plus élevés qu'en France, ce qui explique que des laiteries françaises y vendaient leur production. Pour y remédier, l'augmentation a été brutale. Compte tenu de la demande, des charges, du coût de l'alimentation des animaux, le prix du lait est structurellement à la hausse.
 
LCI.fr : Pourtant les prix de gros du beurre et du lait en poudre ont plongé récemment....
 
J. M. : C'est une baisse conjoncturelle. Au cours de l'automne, nous nous sommes rendus compte que le bilan de la production de
lait était très en dessous du quota que nous accorde l'Europe. Comme les prix étaient bas, les producteurs avaient levé le pied. Nous avons donc ajusté notre prix d'achat pour les encourager. Nous aurions mieux fait de nous abstenir : cela a eu un effet énorme sur la collecte de lait, bien au-delà de la consommation. Nous avons donc dû stocker le lait sous forme de beurre ou du lait en poudre, ce qui a fait chuter leur prix, pour un temps.
 
LCI.fr : Il y a quelque temps, lorsque le prix du lait était structurellement à la baisse, les consommateurs n'ont pas eu la chance de s'en rendre compte...
 
J. M. : C'est parce qu'à cette période, la distribution n'a pas joué le jeu en répercutant aux consommateurs la baisse de nos tarifs. Elle a augmenté ses marges d'environ 6 points d'indice entre 2003 et 2006 pour financer la modernisation de ses magasins ou son développement international. C'est son choix...
 
LCI.fr : Il n'y a pas aujourd'hui d'alternative à la hausse?
 
J. M. : Le consommateur français doit accepter de payer plus pour son alimentation. Il doit comprendre qu'avoir des produits de qualité, d'origine française, qui garantissent une traçabilité et permettent de maintenir l'emploi a un prix. Aujourd'hui les ménages français ne dépensent que 14% de leurs revenus pour leur alimentation (NDLR : jusqu'à 25% pour les ménages les plus modestes), cela devrait pouvoir monter à 16%. A 60 centimes d'euros le litre, le
lait reste aujourd'hui moins cher que le Coca-Cola!
 
LCI.fr : Mais le lait est une matière première... Sauf erreur, le Coca-Cola est un produit industriel qui ne sort pas, tel quel, du pis d'un animal !
 
J. M. : (Rires) Certes, mais le
lait vendu en grande surface est pasteurisé, écrémé... Cela a aussi un coût.